Qu’est-ce que l’anthropocène?

La crise écologique n’est pas le seul phénomène à nous atteindre durant la période actuelle. Avec la mondialisation, nous vivons interconnectés les uns aux autres. Que ce soient les problèmes économiques, politiques, agro‐alimentaires, ou encore écologiques… ils concernent l’entièreté de l’humanité : c’est « l’effet papillon ». Comme l’énoncent Pablo Servigne et Raphaël Stevens, nous entrons dans une grande période d’instabilité et d’incertitude. Depuis quelques années, l’humanité fait face à différentes crises induites les unes des autres et mettant les citoyens du monde en difficulté.

Une nouvelle ère géologique

Au cours des dernières décennies, l’Homme a acquis la capacité de perturber les grands cycles biogéochimiques régulant notre planète, donnant ainsi lieu à l’émergence d’une nouvelle ère caractérisée par des changements profonds et imprévisibles. Cette nouvelle ère géologique, succédant à l’holocène, période longue de 12000 ans et ayant vu émerger les civilisations, est désormais appelée l’anthropocène. Beaucoup de chercheurs entrent en conflit pour savoir quelle est réellement la date d’entrée dans l’anthropocène sans pour autant réussir à s’accorder. Nathanaël Wallenhorst explique qu’il existe diverses théories, allant de la première utilisation du feu il y a plus de 400 000 ans, à l’explosion de bombes nucléaires après la seconde guerre mondiale, en passant par le développement de l’agriculture ou encore l’émergence de révolutions technologiques et industrielles.En plus de ne pas connaitre sa réelle origine, personne ne peut actuellement prédire de quoi cette période sera faite et quels en seront les principaux changements anthropiques.

L'effondrement comme caractéristique de l'anthropocène

L’effondrement est un phénomène étudié depuis longtemps et qui rassemble pléthore de récits de fins de civilisation. Il peut être défini comme « un processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie…) ne sont plus fournis à un coût raisonnable à une majorité de la population par des services encadrés par la loi » (Houzé, 2019, p.3).De nombreuses crises nous apparaissent actuellement. Celles-ci sont les signes visibles de l’effondrement. Selon certains chercheurs, il ne faut pas le percevoir comme pouvant arriver par le futur mais plutôt comme un processus déjà bien en cours. En effet, ce dernier, principalement dû à un épuisement des ressources, montre des signes de sa venue dans divers endroits du monde. Entre l’épuisement des énergies fossiles, l’inflation du coût de la vie, mais aussi, de manière plus localisée, une famine générale au Yémen, une impasse économique en Grèce, il est de plus en plus difficile pour les populations d’accéder aux besoins fondamentaux. Cependant, à l’encontre de l’effondrement connu par diverses sociétés au cours des siècles, celui-ci ne s’effectue pas uniquement sur un groupe donné. En effet, avec la mondialisation et les ressources qui se partagent, se répandent un tas de problèmes, par un effet papillon.Pour Jared Diamond, un géographe américain, les dommages écologiques ne sont pas les seuls qui amèneraient l’effondrement. Il considère que cinq facteurs sont à prendre en considération : les dommages environnementaux, le changement climatique, l’hostilité des voisins, les partenaires commerciaux et les réponses apportées par les valeurs et la culture.

Les dommages environnementaux

La survie des sociétés dépend des ressources naturelles telles que l’eau, la fertilité du sol, les forêts… Si ces ressources sont mal gérées, surexploitées ou dégradées, elles peuvent s’épuiser, ce qui entraine par conséquent une diminution de leur disponibilité, pourtant indispensable à la subsistance d’une société. Cela peut être illustré par un exemple tel que la déforestation massive. Un tel acte va entrainer la disparition d’un écosystème équilibré mais aussi priver de ressources telles que le bois, les végétaux comestibles…

Le changement climatique

L’auteur soutient que les variations climatiques jouent un rôle dans l’effondrement d’une société. En effet, elles impactent considérablement la manière de vivre et de consommer à un endroit donné. Les ressources cultivées sous un climat méditerranéen ne sont pas les mêmes que sous un climat plus froid et humide que l’on retrouve plus au Nord. La sècheresse ou les inondations impactent également fortement le rendement agricole. Dans des endroits de la terre où la famine gagne déjà les habitants, ils ne peuvent se permettre de diminuer leur accès à ce besoin physiologique. Ce problème d’accessibilité à la nourriture peut également engendrer des conflits entre les populations et précipiter l’effondrement en question.

 

Des voisins hostiles

Les relations entre internes et externes jouent donc un rôle dans l’effondrement. En effet, guerre, migration et tensions ethniques possèdent leur part de responsabilité dans la rupture d’un équilibre préalablement établi. Ces divers conflits peuvent aboutir à une destruction du système de gouvernance ou de gestion de l’entité concernée ou des perturbations économiques majeures. En guise d’exemple, prenons la guerre ukrainienne ayant débuté le 24 février 2022 et n’ayant actuellement toujours pas pris fin. Elle a perturbé l’économie mondiale notamment au niveau de certaines denrées alimentaires et du prix de l’énergie et des carburants (Kammer et al., 2022). Ce phénomène a également poussé les personnes les plus démunies à se priver et se rationner davantage. De nombreuses personnes ont également dû quitter leur pays et se répartir dans les nations voisines, ce qui a bouleversé rapidement la répartition de la population.

Des partenaires commerciaux

Dans une société mondialisée, les partenaires commerciaux sont très importants et influents car notre survie dépend en quelque sorte de la leur et inversement. Cependant, ces relations amènent parfois de nouveaux problèmes tels que la transmission de conflits, de maladies et d’idéologies. C’est cette société mondialisée qui a transformé l’épidémie de Covid19 en une pandémie mondiale. Par l’impossibilité et parfois la non-volonté d’un état de rompre ses liens avec les autres nations, par peur de perdre les bénéfices de ces « alliances », la maladie s’est infiltrée dans les moindres recoins de la planète.

Des réponses apportées par les valeurs et la culture

La manière dont une société répond aux défis et aux crises peut influencer sa survie. En effet, les valeurs développées par une communauté, les pratiques sociales, les coutumes… peuvent impacter la capacité à faire face à des changements d’ordre environnemental, social ou économique. Il est évident que si la communauté cultive des valeurs de partage et de coopération, elle sera bien plus encline à répondre à certaines problématiques en matière de résilience.

Rupture d'équilibre

Ces cinq facteurs peuvent se résumer en deux mots : « rupture d’équilibre ».  Yona Friedman considère l’équilibre comme un objectif fondamental de l’homme pour survivre de manière agréable. Il existe plusieurs relations qui doivent être équilibrées selon lui, à savoir les relations entre êtres humains, avec les autres espèces et dans un écosystème. Ainsi, à chaque fois qu’un des éléments de la chaine évolue, créant ainsi un déséquilibre, le reste des maillons doit s’adapter pour persister. Il est donc bien difficile de définir l’anthropocène car nul ne peut savoir de quoi l’avenir sera fait. Les seules choses que nous pouvons relever sont les changements qui s’effectuent depuis les siècles passés et qui, nous le voyons, boulversent nos habitudes et nous poussent à nous réinventer.

Sources

  • De Jaeger A. (2023) De la réalisation à la concrétisation d’une ville utopique au tournant du XXIe siècle : le cas d’Auroville. Uliege. Disponible en ligne à l’adresse: http://hdl.handle.net/2268.2/16792

  • Diamond J., Botz, A., & Fidel, J.-L. (2005). Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie. Gallimard.

  • Duterme, R. (2016). De quoi l’effondrement est‐il le nom? Utopia.

  • Friedman, Y. (2016). Comment habiter la terre. Editions de l’éclat.

  • Houzé, S. (2019), Collapsologie, Les enjeux de la transition à travers l’analyse de l’effondrement de notre civilisation…, CPCP : Analyses, N°363, [en ligne :] http://www.cpcp.be/etudes‐etprospectives/‐au‐quotidien/transition‐simplicite‐volontaire.

  • Mumford, L. (1922). The story of Utopias. Boni and Liveright

  • Paquot, T. (2007). Utopies et utopistes. La découverte

  • Servigne, P., & Stevens, R. (2015). Comment tout peut s’effondrer : Petit manuel de collapsologie àl’usage des générations présentes. Seuil.