Lorsqu’ils implantent un projet en un lieu, les architectes prennent parti, que ce soit dans la maitrise d’œuvre ou même dans des traités purement théoriques. De nombreux projets de villes idéales nous entourent constamment et intègrent dans l’architecture, un rapport à l’espace qu’il convient de comprendre. Ainsi, se basant sur son origine grecque, le topos peut s’adjoindre de préfixes pour définir son rapport au lieu.
L'architecture topique
La première catégorie est sans doute la plus connue et répandue. Il s’agit de l’architecture topique. Celle-ci, comme son nom l’indique , elle se réfère au lieu, au topos grec. Il s’agit donc d’une conception qui tient compte des caractéristiques du milieu donné. Elle dispose de composantes semblables à l’architecture vernaculaire, qui elle aussi tire parti des ressources locales et des savoir-faire traditionnels pour créer des édifices adaptés au contexte. Cependant, alors que l’architecture vernaculaire peut parfois être limitée par les techniques et les matériaux locaux, l’architecture topique peut s’inspirer de ces aspects tout en incorporant des innovations modernes. Cette fusion entre tradition et innovation permet à l’architecture topique de créer des espaces à la fois authentiques et contemporains.
L'utopie
Le mot utopie provient du grec ancien ou-topos signifiant en « aucun lieu ». Le terme a été inventé par Thomas More en 1516, dans son livre »La meilleure forme de communauté politique et la nouvelle Île d’Utopie », dans lequel il présente une société idéale fictive. A cette époque, l’utopie, se présentait généralement sous forme d’un récit de voyage. Elle avait pour objet de décrire une société parfaitement organisée, contrastant avec la société réelle (Picon, n.d.). Telle qu’elle y est envisagée, Gérard Defaux la décrit comme un moyen. Il complète la proposition en ajoutant qu’il s’agit d’un »lieu fictif par lequel il faut passer pour prendre conscience des causes du mal profond dont souffrent l’Angleterre et l’Europe chrétiennes, un mirage dont il faut savoir revenir armé pour le vrai combat ». (Defaux, n.d.)Au courant du XIXe, elle est perçue comme « une cité irréelle ou future, dotée de caractères valorisés comme idéaux » (Wunenburger, 1979, p.20). Au XXe siècle, Norbert Elias nous propose une autre définition. Pour lui, l’utopie désigne ‘’un lieu fictif, créé par un auteur ou un groupe de personnes, dans lequel il est possible d’imaginer une société idéale et de dénoncer par-là, les travers de son temps.’’ (Elias, 2014, p.9).A l’heure actuelle, le mot utopie est entré dans le langage usuel et a été détourné de son origine première, par des connotations qui lui ont été imposées. Il est dès lors associé à une image de projets irréalisables.Face à la définition que l’on en fait aujourd’hui, des critiques et réflexions ne peuvent que agrémenter un débat. L’utopie reste-elle toujours un concept irréalisable malgré les avancées techniques? Ce point est plus amplement abordé dans l’article »Qu’est-ce que l’anthropocène? », dont le lien se trouve en bas de cette page.
La pantopie
Étymologiquement, le préfixe « pan » dérive du grec et signifie « partout ». Ainsi, lorsque qu’il est utilisé en relation avec la notion de lieu, nous pouvons envisager un élément ou un concept qui peut être présent dans tous les endroits. Il s’agit de concevoir un modèle ou une idée qui peut être appliquée de manière adaptée et pertinente dans des contextes divers et variés. La notion de « pan » implique une universalité, une omniprésence ou une adaptabilité à travers différents lieux et situations. Cela se rapporte à l’idée qu’il pourrait exister une vérité universelle, une réponse unique à une multitude de situations pourtant différentes. En architecture, cela peut se traduire par une standardisation, à la manière de Le Corbusier, qui définit un homme type et édifie autour de lui un ensemble de critères. Cependant, ce principe entraine de nouvelles questions. Peut-on vivre de la même manière dans des contextes, des cultures ou des temporalités différentes?
La dystopie
Le préfixe dys- indique une idée de mal, qui vient s’adjoindre à celle du lieu. Ce lieu imaginaire et cauchemardesque se développe dans un élan contraire à l’idéologie de l’utopie. Connaissant un essor vers le milieu du XXe siècle, à la suite des guerres mondiales, la dystopie met en évidence les aspects négatifs de la nature humaine, de la politique ou de la technologie. Il s’agit d’un monde, d’une cité qui a mal tourné. Le contexte dans lequel elle se développe ne se base pas sur celui que nous connaissons mais à ce qu’il est dans un monde parallèle ou pouvant arriver par le futur. Il s’agit généralement d’une terre meurtrie, désolée, voire abandonnée.
Sources
Defaux, G. (n. d.).More Thomas (1477 ou 1478-1535). In Encyclopædia Universalis. , [En ligne :] Consulté 11 mars 2022, à l’adresse https://www.universalis.fr/encyclopedie/thomas‐more/
Elias, N. (2014). L’utopie. La découverte
Picon A. (n.d.) Utopie (arts et architecture). In Encyclopædia Universalis. , [En ligne :] Consulté 11 mars 2022, à l’adresse https://www.universalis.fr/encyclopedie/utopie-arts-et-architecture/